Sur les routes de Yogjakarta

Ce mardi 25 avril, après 7 heures de trajet en bus, nous parvenons à Pandangaran. Depuis la gare routière, il nous faut marcher un bon kilometre avant de rejoindre le bord de mer. Au passage, nous sommes arrêtés par des policiers qui nous demandent de nous acquitter d’une taxe touristique pour entrer dans la ville. Il est toujours appréciable de se laisser surprendre encore après six mois de voyage, aussi nous nous exécutons avec le sourire.

Pandangaran et ses alentours

Nous n’avons pas besoin de tourner longtemps pour dénicher notre petit coin de paradis. Tout juste arrivée sur l’esplanade de la mer, nous poussons le portillon d’entrée de « Panorama sur la plage ». Nous sommes rapidement séduits par le jardin tout en fleurs exotiques et l’esprit bambou qui donne un véritable charme à l’auberge. Nous n’hésitons pas longtemps et acceptons le service de François et Tika, un couple français-javanais, très accueillants.

Durant nos trois journées à Pandangaran, nous avons réellement le sentiment de nous ressourcer. Démarrer la journée par un petit déjeuner pancake-café-jus d’orange face à la mer, arpenter les routes bordées des rizières, observer longuement les enfants tirer leurs cerfs-volants à plus de100 mètresde hauteur, profiter des concerts de bars le soir sur la plage,… C’est vrai qu’on en a bien profité, mais on a aussi et surtout fait les aventuriers !

Virée sauvage

Nous venons de déposer nos vélos à l’entrée du parc naturel de Pandangaran et suivons les indications que notre ami guide Din-Din nous a données : « Contournez le parc par l’est, c’est le plus beau coin ! Sans guide, vous risquez d’avoir des difficultés à trouver le chemin mais vous pouvez toujours essayer ! » Essayer sans obligation de résultat, voilà qui rend les choses bien plus attrayantes ! A l’entrée du parc, une horde de singes bagarreurs nous attend. On nous avait prévenus. On dit même d’eux qu’ils peuvent être agressifs avec les touristes. Mr Routenvrac n’entend pas se laisser faire et, muni d’un bâton, laisse entendre à ces petits chapardeurs que nous passerons quoiqu’ils en pensent. Rapidement, nous quittons le sentier bitumé pour nous fondre dans la jungle, suivant les chemins de terre empruntés par les guides. Durant près d’une heure, nous marchons. Le chemin est semé d’embuches. Il nous faut parfois faire de petits écarts dans les herbes hautes pour esquiver une toile d’araignée trop féroce, un serpent, ou encore un arbre en travers du sentier,… « C’est tout de même étrange. On dirait que quelqu’un a saboté le chemin pour éviter aux touristes de l’emprunter par leurs propres moyens… » s’étonne Mr Routenvrac. Et plus nous avançons, et plus le doute devient une certitude. Nous ne sommes pas sur un sentier ordinaire. Il s’agit peut-être même de l’issue qui mène à la cascade tant promue par les organisations touristiques. Excités mais toujours sur nos gardes, nous nous engageons pas à pas. Soudain, nous parvenons à un ultime croisement : droite, gauche, tout droit ? Mr Routenvrac se retourne. Le chemin par lequel nous arrivons s’efface dans la végétation. « On ne voit même plus par où on est passé… » constate-t-il. « Si on continue à avancer, rebrousser chemin va s’avérer un vrai casse-tête. » Après un rapide retour en arrière, nous comprenons qu’il n’y a pas à tergiverser longtemps et décidons de stopper notre escapade hasardeuse.

Une fois les pavés touristiques réapparus sous nos pas, nous tentons de nous repérer sur un plan du parc. « Regarde ! » s’amuse Mlle Cartensac, pointant du doigt une zone vert foncé. « Je ne sais pas jusqu’où on serait allé comme ça mais on était véritablement dans la jungle. Le sentier n’est même pas indiqué. N’empêche que c’était tout de même bien plus excitant qu’accompagnés d’un guide qui aurait déjoué tous les dangers pour nous ! » Forts de ces émotions, nous profitons de la fin de journée pour visiter la partie touristique. Dans la grotte, encore une fois, nous refusons la compagnie d’un guide et, munis de nos lampes frontales, partons à la recherche du fameux porc-épic. Nous avons beau fouillé toutes les cavités, poussé tous les cris imaginables (le bruit du porc-épic nous étant inconnu), nous repartons bredouilles ! Enfin bredouilles, pas vraiment… « Dis moi, si ce ne sont pas des porcs-épics, c’est quoi ce bruit strident ? » s’inquiète Mlle Cartensac. La lampe frontale en direction du plafond, notre réponse ne se fait pas attendre. « Des chauve-souris ! » Par dizaines ! Virevoltant au-dessus de nos têtes. Nous tentons de saisir un cliché. A la lueur du flash, nous admirons tous ces petits yeux s’illuminer.

Sur le chemin du retour, Mr Routenvrac profite d’un petit plan d’eau pour tester sa canne à pêche. Malheureusement, le poisson, ce ne sera pas pour cette fois-ci. L’appât est trop gros et les poissons trop malins.

Green Canyon et bamboo bridge

Ce jeudi 27 avril, nous chevauchons notre moto de location et prenons la route du Green Canyon à près de 30km de Pandangaran, nous remémorant aussitôt notre beau périple à moto sur le plateau de Bolaven (Laos), trois mois plus tôt. Arrivés au port, nous négocions avec trois jeunes japonais le partage d’un bateau à moteur et embarquons sur la rivière. Nous sommes tout de suite plongés dans un univers exotique aux vues imprenables. Au bout de 15 minutes déjà, la balade est finie. Notre chauffeur nous propose de nous baigner sous les cascades, pour 5€. Sans quoi, nous reprendrons la route aussitôt. Nous trouvons le deal plutôt raisonnable et décidons de profiter de cet endroit magnifique. Entraînés par un petit groupe de touristes indonésiens, nous nageons à travers les eaux transparentes, atteignant un puits de lumière. Mr Routenvrac commence tout juste à regretter de ne pas avoir pris l’appareil photo lorsque nous comprenons que ce que notre guide appelle baignade, est ni plus ni moins du canyoning. Les jeunes indonésiens, sans doute habitués des lieux, se laissent entraîner par les courants d’eau, escaladant les rochers, se hissant sur les parois à l’aide de cordes, plongeant du haut des roches. Nous ne nous faisons pas prier et nous lançons dans cette folle virée. Près de deux heures plus tard, nous prenons un peu d’avance sur le groupe pour rejoindre le bateau afin de prendre une unique photo de ce moment aquatique magique. « Et bien pour cette fois, les potentracs n’en verront rien… Des images qui resteront cachées au fond de nos mémoires ! »

De retour au port, nous décidons de poursuivre notre route en direction de Batukaras, une petite ville très prisée des surfeurs. Sur place, nous découvrons une plage bordée de magasins touristiques, fournie en location de bateaux et planches de surfs, rien qui ne puisse retenir longtemps notre intérêt. Nous nous arrêtons le temps de déguster un délicieux poisson-curry dans un petit bouiboui et reprenons notre route. Nous nous offrons le plaisir d’emprunter le pont de bambou, célèbre dans la région, et rejoignons notre tranquille et douce ville de Pandangaran.

La veille de notre départ, nous retrouvons notre ami Din-Din à Mungil, notre restaurant-concert attitré. Sirotant un coca, il nous demande, dans son français impeccable : « Qu’est-ce qui vous a le plus plu ici, à Pandangaran ? La plage, les balades, les gens ? » – « L’ambiance ! C’est un tout qui rend cette ville si plaisante. On s’est vraiment sentis bien ici ». Din Din acquiesce. C’est sans doute la réponse qu’il espérait. Il n’en demande pas beaucoup plus, lui, se sentir bien dans cet univers bien à lui.

Rouler jeunesse !

Yogjakarta est à 300km de Pandangaran. 11heures, c’est le temps qu’il nous faudra pour parcourir ce petit bout de terre : permuter de bus à la suite d’une crevaison, une autre fois sans raison, sur ordre du chauffeur, puis à Cilacap, pour prendre notre correspondance. Assis entre deux sièges, serrés les uns contre les autres, nous subissons secousses et bonds ahurissants durant des heures tant les routes sont défoncées. Nous tentons de nous concentrer sur la route, laissant nos dos à leurs douleurs et observons les tuiles rouges, fabriquées dans la région, entassées par tonnes devant chaque habitation. À 17h30, nous voilà enfin arrivés.

« Vous êtes mes premiers couchsurfeurs étrangers » nous annonce fièrement Fitra. « J’ai l’habitude de recevoir des indonésiens en visite à Yogja ». Yogjakarta, nous en entendons parler depuis notre arrivée à Java, chacun nous garantissant que nous y trouverons notre bonheur en matière de jeux, de marionnettes, de spectacles de rue,… Aussi, arrivons-nous avec un regard curieux et attentif dans cette ville culturelle.

Echanges et choc des cultures

Dès notre arrivée, Fitra nous propose de partir à la découverte de sa région, de sa ville. Il semble prêt à nous offrir tout ce qu’il sait. En échange, il veut apprendre, échanger, découvrir. Nous avons trois jours à partager. Il nous appelle ses invités. Ses amis sont les nôtres. Il vit avec Cundra, un ami et sa sœur Arrin. Ipi, sa petite amie est invitée à séjourner chez eux tant qu’elle le souhaite. Lorsqu’il y a du monde à la maison, toutefois, ils ne dorment pas dans la même pièce. Musulmans, ils ne sont pas tous pratiquants mais respectent les règles de leur religion.

Fitra nous étonne, il aborde des sujets que nous aurions pensé délicats : la religion, la relation homme-femme, l’amour, comme d’autres sujets plus généraux tels que les études, l’avenir, les voyages, le travail,… Ipi, près de lui, est très calme. Freinée par son niveau d’anglais, parfois sans doute par les sujets de discussion, elle écoute, répond aux questions et semble apprécier les échanges. Cundra est tout feu tout flamme. Mr Routenvrac se plait à le baptiser « Cakou ».  « Pourquoi tu m’appelles Cakou, Rémi ? » – « Parce que tu es un Cakou, tu es fou-fou, tu nous fais rire ! » – « Bon ben d’accord ! Ca me va alors ! » Loin d’être gêné par les taquineries de Mr Routenvrac, il ne peine pas à nous expliquer qu’il ne veut pas d’une petite amie voilée. C’est son choix, qu’il exprime sans difficulté aucune, et ce, même en la présence des jeunes femmes voilées. « Est-ce que ce sont vos parents qui décident pour vous ou est-ce que vous pouvez choisir votre femme ou votre mari ? » – « Non, nos parents ne décident pas. On fait notre choix. » Un choix qui ne peut toutefois pas être pris à la légère. Fitra questionne : « Il y a beaucoup de divorce en France ? » – « Oui. On ne peut pas te dire le contraire. Le pourquoi du comment ? On ne pourrait pas te l’expliquer. Dans notre société, on ne peut plus être sûre de rien. » Et Mlle Cartensac ajoute : «  Enfin… Est-ce que la polygamie est autorisée dans votre pays ? » – « Oui. C’est autorisé. Mais pour que tu ais le droit, il faut que ta femme signe un accord. Et puis, de moins en moins de monde la pratique. » – « Tu sais, je crois que nous ne sommes pas dans le même modèle de société pour ça. Ca peut aussi expliquer la présence de divorce chez nous et pas chez vous. »

Un soir, au restaurant, alors que nous parlons de projet de voyage et aidons Fitra à se projeter un sac sur le dos, en pays asiatiques, il nous demande, en toute curiosité : « Est-ce que vous vous disputez beaucoup ? » Il semble attendre la réponse avec tellement d’intérêt et de franchise… « Ca nous arrive. C’est rare mais ça nous arrive. Et je crois que c’est important finalement. Ca permet de montrer qu’on n’est pas toujours d’accord. » répond Mlle Cartensac. « Et vous ? » – « Oui, ça nous arrive » affirme Fitra, les yeux tournés en direction d’Ipi, qui se recroqueville, un sourire sur les lèvres. « Ipi est jalouse lorsque je passe du temps avec Cundra. » Cundra rigole. Mr Routenvrac l’attaque. « Cakou, il va falloir qu’on te trouve une petite amie. Tu ne peux pas tenir la chandelle tout le temps ! » – « Tenir la chandelle ? » ricane Cundra. – « Ben oui, c’est ce que tu fais là ! » – « D’accord, prend moi en photo et tu me trouveras une petite amie française ! »

Week end au sommet

Aujourd’hui, samedi 29 avril, nous partons escalader les montagnes, en compagnie des amies d’université d’Ipi. Celles-ci sont bien plus bavardes que leur amie et profite de notre présence comme d’un « cours d’anglais gratuit ». Sandales au pied, elles grimpent sans difficulté, malgré quelques ricanements à l’approche de chaque passage escarpé.

Arrivés tout en haut, chacune déballe son sac. « C’est l’heure du pique-nique ! » Il est 11h. On peut donc commencer à grignoter pastèque, concombre, biscuits et cacahuètes. La vue est magnifique. Nous prenons quelques photos puis redescendons. Arrivés en bas, Fitra tend le bras en direction du champ qui borde le sentier que nous empruntons. « Vous avez déjà vu des cacaotiers ? » Nous n’en avions jamais vu et surtout jamais gouté son fruit ! Lorsque notre guide le saisit et l’ouvre en deux, nous découvrons un liquide visqueux d’un blanc neige dans lequel sont agrippés des dizaines de noyaux. Sur les conseils du guide, nous en arrachons un que nous glissons dans notre bouche. « On dirait de la crème ! » lance Mlle Cartensac avant de recracher le noyau et d’en saisir un nouveau.

Pendant ce temps, les jeunes filles se sont acheté un sachet de boisson lactée à la noix de coco. Fitra nous en offre un. Mlle Cartensac, la paille à la bouche commente. « Vous mettez toujours de la gelée dans vos boissons ? » – « Souvent ! On adore ça ! Pas vous ? » – « Ben on n’est pas habitué à aspirer des morceaux de gelées comme ça, non… Et puis c’est un peu trop sucré pour nous. C’est bon mais très curieux. » Nos amis nous regardent finir avec difficulté la boisson, tout de même un peu écœurés en fin de course… Puis, toute la tribu saute à nouveau sur les motos. En route pour les cascades !

Les plus beaux de Java !

Autour d’un repas, les jeunes femmes nous questionnent. « Vous aimez vous faire noircir la peau… Pourquoi ? » – « On aime bien bronzer, c’est vrai. On trouve ça joli les peaux bronzées. » La réponse débouche sur un rire général. En Indonésie, comme dans beaucoup de pays d’Asie, hommes et femmes font tout pour conserver leur peau la plus blanche possible allant parfois jusqu’à s’appliquer des crèmes « blanchissantes ». Malgré la chaleur, les pulls et pantalons sont donc de sortie, et les maillots de bain à proscrire totalement. « Ici, on pense que vous êtes les plus beaux de Java » nous lance Chikita, une amie de Ipi.

Après une courte balade en bateau-moteur très local, nous arrivons sur une aire de baignade étonnante : cascades, rochers, trous d’eau et lac sont là pour nous offrir deux heures de récréation et de fous-rires. Tout habillés, nous sommes à la mode javanaise ! Fitra, quant à lui enfile un gilet et se lance, à l’instar d’Ipi et de Mr Routenvrac du haut d’un rocher, dans le lac ! Mlle Cartensac, depuis l’autre rive, tente de saisir quelques clichés en plein vol. Souriez !

Yogjakarta, cité culturelle

Sous les conseils de nos amis, seuls en ville, nous visitons le palais du Sultan. Nous découvrons des pièces de collection très occidentales. Loin des services à thé chinois, ici, il s’agit de porcelaines de couleurs pâles. Nous prenons le temps d’admirer les costumes traditionnels, les pièces de batique, nous intéressons à l’histoire de la royauté indonésienne,… Nous nous arrêtons pour écouter les joueurs d’instruments à marteau, mais la cacophonie qui résonne nous laisse espérer qu’il s’agit là d’une répétition. Les bâtiments se succèdent dans un jardin fleuri où nous prenons le temps de nous promener avant de sortir et découvrir le quartier principal de la ville.

Faire le marché et les boutiques avec Ipi, nous n’aurions pas pu rêver mieux. 5.000 rupias (soit 0,40€) pour nos deux toupies, la négociation va bon train. « Les femmes au marché, c’est quelque chose » soupire Fitra, fier de l’affaire effectuée par sa moitié. Puis, c’est dans la boutique Mirota, une enseigne indonésienne de produits traditionnels, que nous trouvons notre bonheur : jeu d’osselet (Begel) et marionnettes d’ombre (wayang golet). Au premier étage, nous restons scotchés devant une femme au travail de peinture sur batique, la spécialité de Yogjakarta.

En soirée, Fitra et Ipi nous conduisent au cœur de la place principale de la ville. Mlle Cartensac empoigne le foulard de Mr Routenvrac et lui bande les yeux. « Maintenant fais un vœu ! » lui dit Fitra. « Si tu parviens à traverser la place et passer entre ces deux gros arbres, ton vœu sera réalisé. » La place est longue mais le passage est large. On ne devrait pas avoir trop de difficulté. Toutefois après avoir été tournicoté dans tous les sens, on en oublie bien vite ces repères. Il faut croire que nos vœux n’avaient pas lieu d’être réalisés car à ce jeu, nous échouons… Mais que pouvait-on rêver de mieux que le moment présent ? Ce soir, nous ferons donc de bons perdants sous les regards amusés de nos amis. « Demain soir, si vous souhaitez, on pourra allez visiter la maison de ma grand-mère. Elle est dans un petit village pas très loin de Yogja ! » Bien entendu, nous acceptons !

Fromage ou dessert

Nous nous sommes si souvent intéressés à leurs habitudes culinaires, leurs heures de repas, leurs grignotages, leurs boissons originales, leur riz quotidien, que Fitra, Ipi et Cundra souhaitent en savoir un peu plus sur la raison de nos interrogations. « Mais vous mangez comment alors ? »

La table est dressée. Nous partons demain matin et nous avons décidé d’offrir à nos nouveaux amis une soirée mémorable. Le chef Routenvrac est aux fourneaux. Mlle Cartensac invite ses hôtes à passer à table. « Voilà, nous allons prendre l’apéro ! C’est un peu notre grignotage à nous finalement. En France, on boit un verre, on trinque, on discute, on grignotte, pendant que la maîtresse de maison finit de préparer le repas. » explique Mlle Cartensac. « Ben, alors pourquoi tu es là pendant que Rémi cuisine alors ? » demande Fitra. – « Ca, c’est la jeune génération ! » répond Mlle Cartensac. C’est agréable de les voir jouer le jeu. Ils s’assoient et nous écoutent attentivement. Tout passe en revue : la position des couverts, le nombre de verres, le verre à pied pour le vin, la liste des plats et leur ordre d’arrivée, le temps des repas de famille, l’intérêt du trou normand. « Par exemple, à table, bien que les jeunes générations aient du mal à l’accepter, et nous les premiers, il est impoli d’utiliser son portable. » Arrin qui nous a rejoints pour dîner s’arrête aussitôt de tapoter sur son clavier et range aussi sec son portable alors que tous nous mettons à rire. Le moment est solennel, coca et biscuits engloutis, nous apportons les assiettes une à une. Au menu : saumon grillé et spaghettis au beurre. Nous redoutons que le plat leur paraisse un peu fade sans chili ni épice, mais tous se prêtent au jeu. « On mélange rarement les aliments. Un poisson ou une viande accompagné d’un légume ou féculent, voilà une assiette bien française. » Tout le monde se regarde manger, comme si l’on jouait à la dînette. Vient le moment du fromage. « Comment ça ? On n’a pas fini de manger ? » – « Oh non ! On vous a déniché un camembert et ça, vous êtes obligés de goûter ! » Ca commence déjà à faire beaucoup pour ces petits estomacs habituer à grignoter en petites quantités mais pour la découverte, chacun tartine de beurre son morceau de pain et porte à la bouche son morceau de fromage. « Et toujours, TOUJOURS, on finit par un dessert ! » Ca tombe plutôt bien, Arrin a apporté un martabak manis, un gâteau éponge au chocolat, un vrai délice… « C’était super ! » conclut Fitra. « Et ensuite vous faites quoi ? » – « On joue ! » lance Mlle Cartensac avant de sortir l’outil de son sac !

Après deux, trois parties de jeux français et indonésiens, Cundra se lève. « Bon, moi j’ai rendez-vous avec les copains… Rémi, tu viens ou pas ? » dit-il avant de se retourner vers Mlle Cartensac, avec un rire d’adolescent. Un regard en direction de Mlle Cartensac, Mr Routenvrac est bien tenté par une virée entre mecs. « Ce serait bien dommage de t’en priver. » Notre première séparation de quelques heures depuis le début du voyage.  – « Moi je reste jouer avec les filles » affirme Fitra. Les deux « Cakous » quittent la salle, casque de moto sous le bras tandis que la soirée se poursuit dans la maison du bonheur par un concert de jeux de cartes et de récréation indonésiens.

Ce mardi 1er mai, nous reprenons la route. Cundra, Ipi et Arrin sont les premiers à quitter la maison. Nous les embrassons et nous promettons de rester en contact. Seul Fitra reste à attendre avec nous le minivan qui doit passer nous chercher chez lui. Le temps d’attente est un peu long et nous sommes tous les trois un peu mornes par la séparation qui s’annonce. « C’était vraiment top hein ! » nous lance Fitra avant que nous ne montions dans le bus. C’était vraiment top oui… Et rien ne nous dit que nous nous reverrons un jour. « Tu es le bienvenu chez nous ! Tu le sais ! » …

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