Frontière en deux temps
Soif d’aventure plus encore que souci d’énconomie, pour traverser la frontière sino-mongole, nous avons choisi l’option petite vitesse, longue durée. Nous sommes le dimanche 11 décembre, il est 16h30. Oulan Bator nous fait ses adieux sur le quai de la gare. Notre train a tout pour se confondre avec la ligne transsibérienne russe, mais le nombre de passagers à bord en réduit encore le confort; trois personnes par banquette, cela suppose, que la nuit tombée, il manquera une couchette…C’est ainsi que, vers 22h, Mlle Cartensac se voit déloger, non sans aggressivité par une femme mongole qui a l’intention de finir sa nuit là où elle l’avait commencée. « Et je vais dormir où moi? » Les mongoles amusés, lui indique le dernier étage, en dur, l’emplacement inititalement prévu pour les bagages… L’aventure se trouve parfois là où on ne l’attendait pas.
Après cette première nuit sauvage, nous arrivons, à 7h, à Zuming Uud, ville mongole frontalière avec la Chine. A peine sortis du train, de tous côtés, des hommes nous proposent le passage de la frontière. C’est un vrai business ici. Tous les gens débarqués se ruent et entreprennent la même manoeuvre que nous. Nous négocions avec un homme, notre transfert pour 50 Yuans chacun. Il nous accompagne dans une jeep avec un couple de mongoles d’une cinquantaine d’années. Le chauffeur de la jeep nous active, nous pousse, jette sacs et cartons dans le coffre et démarre la voiture comme un furi. Il ne nous faut pas plus de 2km pour nous retrouver embringuer dans une file d’attente de jeep impressionnante. Le chauffeur choisit ce moment pour nous demander son dû. Nous lui tendons les 100Y. Il tend la main à nouveau. Le prix de la course s’élève d’après lui à 80Y par personne. Commence alors un très long sketch. Il s’énerve, gesticule et fait même mine de faire demi-tour. Le couple de mongole s’apprète à aligner davantage. Nous leur demandons de ne rien en faire. S’ils entrent dans son jeu, il nous faudra également raquer. Outrés par la situation, ils s’offusquent, en mongole, après le chauffeur. Habitués, nous supposons la mascarade organisée depuis le début. Après une petite frayeur à chaque passage de contrôle, nous forçant à quitter la jeep, prenant ainsi le risque de nous faire semer par notre conducteur, nous arrivons, 3h plus tard, en Chine, dans la petite ville d’Erline. Le chauffeur ayant fini par capituler, les 100Yuans lui suffiront pour cette fois.
Chine nous voilà! A nous les petits plats délicieux que nous attendons tant. Notre bus pour Pékin ne partant qu’à 14h, nous profitons de notre temps libre pour nous offrir un premier restaurant! Notre bus est une vraie première: couchettes, grand confort! Allongés, volant entre les mains, nous profitons des premiers paysages chinois. Nous traversons un champ de dinosaures, construits en hommage aux squelettes découverts sur le site il y a quelques années.
Nous parvenons à nous endormir quelques heures, d’un sommeil toutefois très léger. Le bus ne cesse de s’arrêter dans des lieux isolés. Nous nous inquiétons pour nos gros sacs, stockés dans la soute. Finalement, nous arrivons à Pékin à 2h du matin. Nous jugeons l’heure un peu trop matinale et, à l’instar de quelques passagers, nous nous octroyons quelques heures de repos supplémentaires, dans le bus. Finalement, nous serons les derniers à sortir, à 7h du matin, sous le regard amusé du chauffeur.
Une école pour maison
Quoi de mieux pour se poser qu’un établissement scolaire destiné à enseigner intensivement l’anglais à de jeunes étudiants chinois? L’appartement est sympa et les jeunes semblent contents de nous compter parmi eux, cependant l’heure est loin d’être aux études. Agés de 17 à 23 ans, ils occupent leurs lits plus souvent le jour que la nuit et pas un cm2 de l’appartement ne résiste aux invasions alimentaires et vestimentaires. Les cours dispensés au sein même de l’appartement sont bien souvent désertés. Seule la présence de tracy, notre hôtesse appelée « le boss » par les étudiants, semble faire son effet. A raison de 4h par jour, ses cours sont d’ailleurs l’unique moment de la journée où l’interdiction formelle de parler chinois, est respectée.
Dans tout ce brouhaha, et malgré la non mixité des dortoirs, nous nous sentons comme chez nous, libres d’aller et venir quand bon nous semble. Bénéficier d’une salle de bain et d’une machine à laver ne sont pas non plus des choses à négliger. Lorsque Tracy nous demande de présenter l’outil cartensac aux étudiants, et mieux encore, de remplacer un professeur pour un cours d’anglais auprès d’enfants de 9 à 12 ans, nous ne nous faisons pas prier, tout aussi heureux de lui rendre service que de l’opportunité de jouer, nous nous mettons en place!
Rencontre avec la Chine
Lorsque nous pénétrons dans Pékin, deux jours seulement nous séparent de notre vie mongole. Le contraste est criant. La technologie est ici aveuglante. Les chinois ont sans cesse, l’oeil posé sur un écran, du téléphone au téléviseur, dans le bus, le métro, la rue, les magasins,… Nous circulons dans la ville, observant autour de nous, un tout autre monde, une toute autre époque, où le sonore prend le dessus: poueettt! Driiiing! Tuuuuut! Hello! et où il est coutume de se promener muni d’un seau, d’une valise ou d’un énorme paquet dont le contenu et l’utilité nous échappent.
Des temples et des dragons
Mr Routenvrac ayant déjà visité Pékin, cinq ans auparavant, le programme est rapidement dressé. Mlle Cartensac ne devrait rien louper.
- La Cité Interdite accueille de multiples temples, décorés des murs au plafond, par d’illustres dragons, symbole de l’empereur. Malgré la présence de lions positionnés à chaque entrée, en signe de protection, nous parvenons à nous faufiler dans la Cité pour prendre quelques photos.
- Le Palais d’été est un magnifique parc, avec en son centre un imposant lac gelé que quelques courageux se risquent déjà à traverser. De très jolis ponts abruptes nous permettent d’en faire le tour et d’admirer l’autre côté de la rive, ainsi que la flore qui y est abondante.
- Le Temple du Ciel est un véritable lieu de rencontres pour les joueurs: échecs, jeux de cartes, mais aussi jeux d’adresse et de raquettes. Nous partageons notre temps entre ballade au coeur des fresques et des temples et analyses attentives de chacun de ces jeux.
- …
On a marché sur la muraille
Ce matin, lundi 19 décembre, nous avons planifié l’expédition à la muraille de Chine. A la gare routière, nous nous dirigeons tranquilement vers les bus lorsqu’un agent nous interpelle: « MoutainYu? MountainYu? » En effet, c’est bien notre destination. Grace à elle, nous apprenons que notre bus, le 936 n’existe plus et que nous devons emprunter le 980. « Non, le 916 » corrige Mr Routenvrac. Elle insiste, certaine de son information. Charmante, elle nous accompagne jusque dans le bus. Une heure plus tard, le bus s’arrête. Deux hommes entrent et nous demandent de sortir: « MountainYu! MoutainYu! » Surpris, nous descendons. Ce n’est que lorsque l’un des deux hommes inscrit sur un morceau de papier « 360Y » que nous comprenons. Tout ceci était une combine orchestrée par l’agent de la gare. Nous sommes alors loin de notre destination et le prix du taxi nous coute 10 fois ce que nous avions prévu pour rejoindre le pied de la muraille. Alors pour 3 euros de bus, nous ne nous laissons pas berner et décidons sagement de retourner à Pékin et de reporter notre expédition à la muraille de Chine, au lendemain. Nouveau proverbe de la méthode Routenvrac : « Trop serviable n’est pas profitable ».
Le lendemain, à 11h, nous gravissons les premières marches de l’escalier menant à la muraille, faisant un pied de nez, au passage, aux remontées mécaniques. Époustouflante, spectaculaire, la muraille, construite sur le flanc de la montagne, en suit les courbes, comme s’il n’était venu à l’idée de personne, qu’il faudrait ensuite marcher dessus! On imagine difficilement comment cette muraille pouvait protéger d’avantage d’une invasion ennemi que les montagnes elles-mêmes. Les gardes devaient déjà peiner pour se rendre d’une tour à une autre.
Arrivés en bout de parcours, nous ne résistons pas à l’envie de gravir avec bravoure le grand escalier menant à la dernière tour accessible au public.
Revenus à notre point de départ, nous craquons devant l’attraction du site… « Descendre de la muraille de Chine sur une luge d’été, j’achète » dit Mr Routenvrac ! Face à la discression de nos collègues chinois, nous battons tous les records. Nos luges percent le vent et nos cris fusent entre les cimes des arbres. « C’est déjà fini… » Les jambes tout de même flageollantes d’avoir tant monté et descendu, nous négocions notre taxi et reprenons notre route pour Pékin.
L’âme de Pékin
Il est des quartiers qu’il ne faut pas rater sous peine de ne pas emporter avec nous la véritable histoire de Pékin: les hutongs. Dans ces quartiers populaires, on rencontre partout le même type de portes: de grosses portes rouges, ornées de poignets d’or représentant une tête de lion. Tel un temple, elles sont parfois gardées par deux statues de lions. Cependant, ces portes ne renferment pas de grand trésor, mais des habitations sur cours partagées par une ou plusieurs familles. De nombreuses maisons y ont été rénovées ou reconstruites sans pour autant avoir défiguré le caractère particulier de ces quartiers. Rien n’y est modifié ou presque, ni les matériaux utilisés, ni le style unique de l’architecture et des couleurs.
L’aile ou la cuisse
Quel régal, ces dix jours à Pékin. Pas un jour le même plat, ni la même saveur. Nous avons baroudé dans les rues, épluché les menus, écarquillé nos yeux et fait saliver nos papilles. Les anciens collègues de Mr Routenvrac nous ont bien aidés dans notre conquête culinaire chinoise. Quelque soit la technique de cuisine employée; le hot pot, en marmitte ou dans l’assiette, cru ou cuit, lorsque les chinois passent commande, c’est pour partager. Les plats s’additionnent sur la table et les baguettes se mettent au service des plus gourmands. On oublie bien vite le coup de fourchette qui consiste à vider son assiette. Le chinois taquine des baguettes par ci-par là, n’hésitant pas à recommander en cours de route. Lorsque la tablée n’a plus faim, les restes sont empaquetés et emportés.
Mah Jong aux dumplings
Dimanche 18 décembre, James, manager de l’ancienne équipe de Mr Routenvrac, nous invite à dîner, chez lui. Nous sommes très honorés. Les chinois invitent aisément au restaurant, mais très rarement à domicile. Aussi, nous souhaitons en profiter pour nous initier au mythique jeu chinois: le Mah jong. « C’est trop difficile à apprendre » nous explique James. Mlle Cartensac est un peu dépitée mais insiste tout de même: « Je suis sûre qu’on peut apprendre ». Le pari est relevé et nous voilà assis autour de la table, manipulant les fameuses tuiles. En effet, il y a quelques techniques à saisir, mais rien d’insurmontable pour des experts comme nous! En deux parties, nous en saisissons le mécanisme de base et en réclamons une troisième pour le plaisir. Mlle Cartensac se voit offrir une rapide explication des règles des échecs chinois par la fille de James. Voilà deux nouveaux jeux que nous comptons bien emporter dans notre tête à défaut de notre sac. A présent, le travail nous attend. La femme de James nous a préparé un atelier cuisine. Au menu: dumpling! (sorte de ravioli cuit dans l’eau frémissante) Aussi vite mangés que réalisés!