Les rencontres les plus heureuses arrivent souvent par hasard. Pensant arriver dans un orphelinat, ce jeudi 2 février, nous débarquons par un concours de circonstance au centre O.O.O (Our Objective Organization) et décidons d’accueillir ce changement de programme avec philosophie et enthousiasme.
O.O.O, qu’est-ce que c’est?
Des organisations comme celle-ci, il en existe des dizaines à Takéo et dès notre arrivée, nous prenons conscience que le volontariat quel qu’il soit, est accueilli à bras ouverts. « Vous pouvez rester le temps que vous le déciderez et organiser votre programme à votre convenance » nous explique le directeur du centre d’enseignement. « Vous savez si on est volontaires, ce n’est pas pour bousculer votre organisation. On s’adapte à vos besoins, nous, pas le contraire. » – « D’accord, voulez-vous commencer tout de suite? » – « Euh, ils n’ont pas cours là? » – « Si si, mais on peut changer, y’a pas de souci. » Il nous faudra bien 3 à 4 jours pour comprendre le fonctionnement du centre, la raison de la souplesse dans leur programme mais également et plus simplement; qui sont ces étudiants? Où sont les professeurs? Les réponses tarderont à nous venir. Il nous fallait vivre parmi eux et découvrir par nous-mêmes, tenter de nous immerger sans risquer de les bousculer, un vrai tâtonnement du quotidien.
Naissance de l’organisation
O.O.O a été créé en 2004 par Mr Houn Houen. Après de nombreux emplois tout aussi différents les uns que les autres, il a souhaité se consacrer à l’enseignement des jeunes. Le centre d’enseignement ne pouvant se suffir à lui-même, il lui a fallu trouver des sources de financement. C’est ainsi qu’il a développé divers secteurs d’activités au sein de l’organisation, tels que des cours d’informatique et la mise à disposition d’équipements informatiques aux extérieurs, au coeur du quartier général de l’organisation mais également des activités commerciales telles que la vente de panneaux solaires,… Une vraie petite entreprise. « Chaque étudiant s’acquitte en moyenne de 100 dollars par trimestre, mais cela ne suffit pas même à payer les repas et la location de notre centre… Il me faut sans cesse trouver de nouveaux financements. » explique Mr Houn.
L’équipe pédagogique
Al est directeur du centre d’enseignement depuis près d’un an. Volontaire, comme les autres professeurs, il ne touche pas de rémunération. « C’est un choix, explique-t-il, une mission qui me tient à coeur, je me sens bien avec ces jeunes. » Sreydieb et Paula, les deux jeunes professeurs ont étudié ici avant de faire le choix d’être volontaires à leur tour. « Sreydieb, pourquoi les autres t’appellent-ils Queen? » – « Parce que j’aime me faire servir. Attends je te montre » répond-elle sur un air de petite princesse, un grand sourire affiché sur son visage de jeune dame. D’un signe, elle appelle une jeune élève qui se presse de débarrasser notre table… La demoiselle amusée, ne parvient toutefois pas un instant à nous cacher sa timidité. Son petit jeu, faisant rire la galerie n’ira pas plus loin que ce petit plaisir d’être un instant la reine du centre.
Les professeurs d’informatique, quant à eux, ne rejoignent le centre qu’aux heures des repas, passant le reste de leur temps les yeux river sur leurs écrans d’ordinateurs. « Mais vous faites quoi au juste? Vous jouez toute la journée en fait? » ne cesse de les taquiner Mr Routenvrac, rapidement très complices avec le jeune trio.
La joyeuse clique
Les étudiants âgés de 11 à 23 ans, partagent leur quotidien, 5 à 7 jours par semaine, au sein du centre O.O.O. Tous n’ont pas le même emploi du temps. Certains rejoignent leurs écoles le matin, d’autres l’après-midi. Aussi, intègrent-ils le rythme O.O.O dès leur retour au centre. Certains sont écoliers, d’autres lycéens, les derniers prêts à intégrer une université, tous présents au centre entre 6 mois et 6 ans, selon leur situation et leur raison d’internat. Mais alors que les réunit-il tous ici? O.O.O a pour vocation de leur offrir un enseignement anglophone et des cours de vie basés sur la confiance en soi. Pour les plus jeunes, c’est également un choix des parents de voir leur enfant intégrer un lieu d’hébergement anglophone au coeur de Takéo, facilitant leur intégration dans une école privée réputée. C’est le cas de Bun Horm, 11 ans, habitant un village éloigné.
L’emploi du temps
- 5h : rassemblement dans la cour et exercice physique (rangement, vaisselle, sport, par petits groupes).
- 7h : cours.
- 8h : petit déjeuner Pudding.
- 9h – 12h : cours.
- 12h : repas.
- 14h : cours ou activité.
- 16h : rangement, nettoyage.
- 17h : douches.
- 18h : repas.
- 19h : révisions, jeux,… Vendredi : partie dansante.
- 21h : extinction des feux.
A chaque activité un espace dédié
En pénétrant entre les murs de O.O.O, on peut difficilement imaginer que plus de 40 jeunes étudiants et professeurs y cohabitent et y travaillent au quotidien. Aussi, pour que cela soit possible, chaque espace est pensé, adapté et exploité selon son heure.
Queen se souvient avec émotion : « C’est ma génération qui a construit cette salle de classe. Aujourd’hui, elle est prête à s’effondrer. » Il y a même un tableau sur le toit pour éviter la saucée, les jours de pluie. La plupart des cours sont dispensés dans les trois classes extérieures. De temps en temps, pour les ateliers par exemple, la grande salle couverte est mise à contribution. Au fond de la cour, la cuisine est occupée à tour de rôle par 4 étudiants. Dispensés de cours ce jour-là, ils se rendent au marché pour acheter les produits frais et cuisinent les trois repas de la journée. Egalement à tour de rôle, les étudiants balaient, font la vaisselle,… Garçons et filles semblent dégourdis, habitués à effectuer ces tâches quotidiennes.
Les salles de bain sont très sommaires. Non mixtes bien entendu, elles consistent en un espace délimité par quelques nattes, draps et serviettes tendues ; une casserole plongée dans un tonneau en guise de douche.
A 21h, la vie du centre s’éteint soudainement. Chaque moustiquaire accueille 2 à 3 étudiants. Les filles occupent l’étage du grand bâtiment, tandis que les garçons se partagent le sol de la salle principale et les quelques paillasses à l’extérieur. Pour notre part, nous avons été accueillis dans la salle principale, où nous avons dormi sur une paillasse, à la locale !
Volontaires et volontiers
Pour l’équipe enseignante, la présence de volontaires est une vraie richesse pour l’organisation et chaque opportunité doit être saisie et exploitée à sa juste valeur. L’anglais, tout comme le français, présente des difficultés qu’il est même difficile de surmonter pour les professeurs locaux, et en particulier la prononciation. Bien que loin d’être des professeurs diplomés, nous sommes prêts à relever le défi, et nous replongeons, 20 ans en arrière, dans nos classes de C.P respectives, à la découverte des EU, ON, AU, EAU, AI, OI,…
Bien entendu, nous sommes décidés à réserver une place de choix à notre outil cartensac. Présents 24h/24 sur le centre pendant plus d’une semaine, nous envisageons de nous rendre utiles aussi souvent que possible et mettre à profit chacune de nos compétences, parfois improvisées. Tous deux de caractère forts et à tendance organisée, nous espérons que la timidité de nos jeunes collègues ne les empêchera pas de s’imposer et nous guider.
Nos actions:
Initiation aux jeux
Tous assis en rond dans la grande salle couverte, nous venons tout juste de présenter l’outil Cartensac aux habitants de O.O.O. Queen lève la main: « Peut-on savoir quels sont les bénéfices du jeu? » La question a le mérite d’être claire et nous offre une belle ouverture sur les valeurs du jeu de société. C’est vrai après tout, pourquoi joue-t’on? Notre projet semble captiver les jeunes, très à l’écoute et notre approche convenir aux professeurs. Nous voilà prêts pour nous lancer dans un projet commun.
- Jouer pour le plaisir
« Connaissez-vous des jeux? » – « … » – « Pas un seul? » – « Mais si, on connaît le UNO !! » corrige Al. Finalement, la plupart des jeunes connaissent le Uno ainsi qu’un jeu de cartes traditionnel. Pour nous, c’est un bon début. L’outil jeu n’est pas un inconnu pour eux. Décidés à les captiver, nous leur proposons d’emblée des jeux faciles et amusants. La première approche semble être la bonne. Les petits groupes tournent d’un atelier à un autre, les rires emplissant la salle. Il n’est pas évident d’animer plus de quarante jeunes en pleine euphorie mais nous relevons le défi, aidés de Worm Up, Jungle Speed et Guess.
- Découvrir de nouvelles cultures
Sortis de leur petite sacoche, les osselets de Mongolie subjuguent l’ensemble de notre assemblée. « Ce sont de vrais os? » Nous en profitons pour leur expliquer notre aventure en Mongolie et notre rencontre avec ce jeu traditionnel et familial dans un -25°C… Plus de 50° de différence avec leur propre climat. De quoi en faire trembler plus d’un!
- Penser une stratégie seul contre son adversaire
« Le jeu de dames va très certainement vous plaire par sa simplicité mais il y a des règles auxquelles on ne peut déroger. » Nous avons eu l’occasion d’observer un grand nombre d’asiatiques jouer aux échecs chinois et avons tendance à croire que « un contre un » ici, ne signifie pas grand chose. Et pour cause…
« Tu dois comprendre, répète Mlle Cartensac pour la énième fois, je joue contre Theara, pas contre toi. Laisse-le réfléchir tout seul et mettre en place sa stratégie. Si tu joues à sa place, il n’apprendra pas de ses erreurs. Quand on aura fini, je jouerai contre toi et tu seras mon unique adversaire. » Le jeune homme acquiesce une fois de plus, contenant difficilement son excitation derrière son grand sourire. Mais deux coups plus tard, il tend à nouveau sa main pour annuler le coup de son ami. « Grrrrrr ! » grogne Mlle Cartensac créant un fou rire général. Theara, en revanche, a pris au sérieux le défi qui l’oppose à Mlle Cartensac. Seul décideur de sa stratégie, il trouve le jeu plus fascinant encore. « Attention, si tu lâches ton pion, ce sera trop tard pour revenir en arrière ! » Il hésite, observe avec précaution le plateau, relâche le pion et sûr de lui, lève le regard vers son adversaire. Le jeu ne met pas longtemps à séduire tous les étudiants. Il va falloir passer à l’action car deux plateaux ne suffisent pas. De plus, nous voulons leur donner la possibilité de continuer à jouer après notre départ.
- Apprendre à perdre, gagner dans le respect
Les dames ayant été adoptées à l’unanimité et avec une véritable simplicité, nous poussons un peu dans la difficulté avec Linja et Diabalik. « Qui aime les maths ? Qui préfère le foot ? On va faire deux groupes. » Des maths et du foot en jeux de plateau ? Et bien oui, c’est aussi ça les jeux de société.
« Pour être honnête, ce jeu est assez compliqué, mais après deux trois parties, tu auras toutes tes chances de gagner. On ne reste jamais le vainqueur pour toujours. Rejouer avec le même adversaire, c’est accepter de remettre son titre en jeu et d’être à son tour le perdant. Mais là est tout l’intérêt du jeu ! ». La stratégie est déjà moins évidente que pour les dames, mais finalement, les jeunes sont très patients et comprennent rapidement. Après quelques parties, nous jugeons utiles de créer de nouveaux plateaux de jeux, qui, par la suite, ne cesseront pas de tourner de main en main.
Atelier création de jeux de plateaux
Un petit tour au marché nous permet de dénicher des nappes, du papier de couleur adhésif et quelques marqueurs. Voilà qui devrait faire l’affaire. Au tableau, nous dessinons le damier afin d’aider les jeunes à bien visualiser le principe. « 10 cases sur 10 cases, ça fait combien de cases en tout ? » – « 20 ! » répond toute la classe en cœur. « 10 X 10 ! » insiste Mr Routenvrac. Après un long moment de réflexion et de comptage, nous tombons d’accord : 100 cases ! Et bien ce n’est pas gagné. La géométrie ne semble d’ailleurs pas les captiver davantage que le calcul mental. Malgré tout, nous nous lançons. Les jeunes ne sont pas habitués aux activités manuelles. Toutefois, le découpage et le collage les amusent. Tant mieux ! En une heure de temps, nos deux premiers plateaux sont créés et en activité ! Bon boulot !
A présent, à chacun des temps libres du matin et du soir, les étudiants se ruent sur les plateaux de jeux et se défient à tour de rôle. Pas de doute possible, le jeu a bien pris possession de ce petit coin du Cambodge. Afin de s’assurer la bonne continuité du projet, Mlle Cartensac prend le temps de rédiger un petit livret de jeux à destination des élèves et des professeurs, répertoriant les règles de tous les jeux que nous avons pu enseigner au cours de notre séjour. « Avec ça, je suis sûre que la fièvre du jeu ne vous quittera pas de si tôt ! »
Cours de français
« Répétez après moi: Bonjour, je m’appelle Borey! » La classe est scindée en deux pour le cours de français. Mlle Cartensac se charge des tout débutants, tandis que Mr Routenvrac joue au magnétophone avec le groupe des initiés dans un cours spécial prononciation.
Les traditions sont respectées. A notre entrée dans nos classes respectives, tous les étudiants se lèvent pour nous offrir un « Bonjour professeur » qui nous suivra durant tout notre séjour. Nos étudiants sont appliqués, disciplinés mais se laissent facilement aller à de petits écarts de rigolade. Dispenser un cours de français, en anglais, ça a du bon car vocabulaire et grammaire sont quelque fois très similaires. Si certains semblent tout enregistrer du premier coup, pour d’autres l’exercice est bien plus compliqué. « Pourquoi voulez-vous rajouter des « s » à chaque mot? Nous en avons déjà bien assez des « s », « p », « d », muets… » Lorsque l’on commence à apprendre une langue à 22 ans, il y a forcément des attentes, au-delà de l’apprentissage de base. « Professeur! Comment dit-on « Pourquoi? »? Et comment dit-on « As-tu bien dormi »? Et… »
Nous en apprenons énormément tous ensemble; nous la patience devant notre langue particulièrement compliquée, soulignons-le; eux, des expressions, des phrases, qu’ils se plaisent à répéter et répéter encore: « Merci beaucoup! » Deux heures, c’est bien mais sûrement pas suffisamment. Alors on y retourne! D’un cours à l’autre, certains manquent à l’appel, du fait des horaires aménagées pour se rendre dans leurs écoles respectives. Certains rattrapent leur retard entre deux cours, pour d’autres, il est nécessaire de répéter deux fois plus. Au fil des jours, notre travail est récompensé lorsque du soir au matin, nous recevons leurs nombreuses interrogations: « Bonjour professeur! Comment ça va? Avez-vous bien dormi? » souvent accompagnés de gloussements généraux.
« Pourquoi vous ne restez pas pour être nos professeurs ? » – « Parce que nous ne sommes pas des professeurs ! Nous sommes des voyageurs. Mais nous avons été enchantés de pouvoir vous aider un court moment. » – « Vous êtes quand même de très bons professeurs ! » Avant de partir nous n’avions pas imaginé les choses sous cet angle. Nous partions à la découverte du monde, des cultures, prêts à tenter de nouvelles expériences. Nous devons avouer qu’une bien courte expérience en tant que volontaires dans cette organisation nous a ouvert d’autres horizons. Il nous est facile d’imaginer alors les raisons qui poussent beaucoup de voyageurs à poser leur sac pour une durée plus longue que prévue initialement…
Cours d’informatique
« Je peux te montrer si tu veux! » Ca a commencé comme ça. Pour Mr Routenvrac, créer un site informatique, c’est un jeu d’enfants. Pour notre jeune professeur, c’est une chose de plus à apprendre, seul, face à un bouquin. « Tu vas recopier tout ça? » s’étonne-t-il devant une reproduction très scolaire d’un jeune étudiant. Ici, professeurs comme étudiants, apprennent tout par coeur en reproduisant, une technique très peu efficace pour une discipline telle que l’informatique. « Tu dois leur expliquer à quoi ça sert. Sinon, ils seront incapables de détecter leurs erreurs dans leurs propres productions » tente Mr Routenvrac. Remplacer des espaces par des tabulations, ça n’a rien de compliquer, mais ça ne s’invente pas. Mr Routenvrac a bien du boulot mais il est décidé à faire réagir ce jeune professeur qui après tout, ne demande qu’à apprendre. « Tu as avancé un peu sur ton site internet depuis qu’on l’a créé ou tu n’as fait que jouer » le taquine-t-il à tout va. Malgré son rire toujours un peu gêné, le jeune homme se décrispe peu à peu. « Si tu as des questions, c’est maintenant. Dans deux jours, je serai parti. » Quelques rires coincés… Malgré tout le message est passé. « Rémi! Tu pourrais réparer cet ordinateur? La webcam ne marche pas ». Mr Routenvrac se saisit de cette dernière tâche, ravie.
Mission rustine
« Pourquoi ne roule-t-il pas ce vélo ? » – « Ben il est en mauvais état. » Mr Routenvrac veut en juger par lui-même. Quelques coups de pompes ne suffiront pas à le remettre sur pied. « En effet, il est dans un sale état. Les deux pneus sont morts et le frein arrière est cassé. Et bien on va s’en occuper ! Ca tombe bien, les Charlots n’ont rein à faire ! » Les Charlots, comme les a surnommés Mr Routenvrac, s’extirpent de leur torpeur. Le trio nous amuse par sa nonchalance, ses rires d’enfants et sa complicité dans la non-activité. « Vous emmenez le vélo au garage et je vous donnerai l’argent pour payer les réparations. Marché conclu ? » Trois haussements d’épaules, trois grands sourires, nous prenons cela pour un oui. En route !
Aux fourneaux
Du riz blanc à tous les repas, on a beau être de bonne volonté, lorsqu’on n’est pas habitué, ça fait tout drôle et pour l’estomac, et pour les papilles… Pour notre dernier jour, nous avons décidé de modifier quelque peu le menu en troquant le bol de riz contre un bol de frites ! Ce vendredi 10 février au matin, nous nous rendons avec Sokun, l’une des cuisinières du jour, au grand marché. Deux économes, un égoutoir, 5 litres d’huile, du sucre… Il ne manque plus que les pommes de terre ! Devant le stand, Mlle Cartensac hésite. « Tu es sûre que ce sont des patates ? Ca ressemble plutôt à des navets. » – « Oui, je suis certaine, on en achète ici quelques fois. » – « Bof, ce sera la surprise ! »10 kg devraient faire l’affaire. Mais avant de les peser, il va falloir les choisir et éviter les formes de crottes, impossible à éplucher. On a du boulot…
Toute la journée, les cuisiniers s’activent à leur fourneau. A 16h, nous prenons le relais. Nous redoutons un peu le résultat devant l’aspect spongieux de nos pommes de terre. « Tu es sûre que ce ne sont pas des pommes de terre nouvelles ? » questionne Mr Routenvrac. « Moi, je ne suis sûre de rien, là… » La première cuisson nous rassure. Nos frites sont belles à croquer. « Vous en avez déjà mangé ? » interrogeons-nous les cuisiniers, les yeux rivés sur notre plat. « Non, pas fries comme ça. » Au bout d’une heure de cuissons, nous sommes fin prêts à dévorer notre somptueux repas. Ca va nous changer ! Savorn saisit le plat et le dépose à l’autre bout de la cuisine. « Ben, qu’est-ce que tu fais avec les frites ? » – « C’est pour le dessert ! Après la danse. » – « Pour le dessert ? Et nous qui nous faisions une joie d’esquiver le riz pour ce soir…Plus tard dans la soirée, après notre deuxième soirée dansante en compagnie des jeunes, nos frites font un carton. Certains, gourmands mais économes, se conservent même un restant d’assiette pour leur petit déjeuner… Quant à nous, nous ne faisons pas de reste de notre gamelle ! Et quel bonheur !
Ce n’est qu’un Adieu…
Le jour de notre départ approche. Une semaine s’est écoulée et nous avons tous deux eu le sentiment d’être adoptés dans cet univers. En observant les jeunes et en discutant des heures durant, nous en avons appris beaucoup sur la culture cambodgienne, les relations hommes-femmes, leurs avenirs potentiels, destin parfois choisi par leur famille, parfois libres d’eux-mêmes. Lors de notre visite sur le site Tam Coc, jadis prison du génocide, aujourd’hui terrain de jeux, les jeunes se livraient sur l’histoire tragique de leur pays comme s’ils avaient vécu les atrocités survenues il y a quelques années. Tous nous conseillent vivement de nous rendre à Phnom Penh dans le musée du génocide. Le passé douloureux de leur pays est inscrit dans leur mémoire, comme une erreur à ne jamais reproduire. « C’est comme si nous avions vécu cette époque. On nous a tout raconté. Tu imagines qu’il aurait suffi que l’on nous surprenne à discuter pour que je perde la vie… Nous avons perdu beaucoup de gens de nos familles. Il ne faut pas oublier ça.»
Nous n’oublierons ni ça, ni le reste, et certainement pas l’accueil chaleureux qui nous a été réservé ce jeudi 2 février, un après-midi ensoleillé à patauger dans le lac derrière le centre. Nos premiers rires communs, nos premières discussions, nos premiers échanges de cultures, nos premières découvertes. « Tu as déjà mangé une fleur de lotus, toi ? » avait demandé Queen à Mlle Cartensac. Encore une chose que nous n’avions jamais faite… C’est chose faite à présent ! Nous pouvons reprendre notre route.
« Vous partez en vélo ? » s’étonnent tout d’abord les quelques étudiants qui nous entourent pour notre départ. Savorn trouve l’idée assez logique : « Phnom Penh, c’est à 78km. Au moins, vous aurez le temps de voir les paysages et les gens ! » – « Et bien tu as tout compris ! Tu es prêt à voyager ! » Un dernier échange, une dernière tentative de nous retenir. Chanda accourt derrière Mlle Cartensac : « un dernier cadeau » lui dit-elle en lui tendant un porte clé de fils tressés !
« Si jamais vous passez en France, soyez les bienvenus chez nous. Mais s’il vous plait, pas tous en même temps ! »
Retrouvez l’organisation O.O.O sur le site internet.
Retrouvez l’album complet ici.