Introduction Vietnamienne
Ce dimanche 8 janvier, nous pénétrons sur le territoire vietnamien, nourris de nouveaux espoirs : la promesse d’une chaleur estivale et le plaisir de découvrir un nouveau pays 27 fois plus petit que la chine et une population encore inconnue pour nous.
Arrivés à la gare de Lao Caï, Mr Routenvrac se penche au guichet pour expliquer à une jeune vietnamienne notre plan ; nous souhaitons partir à Hanoï le soir-même et au prix le plus bas. Devant les prix exorbitants annoncés, Mr Routenvrac insiste un peu. Peut-être n’a-t-elle pas bien saisi. « Vous n’avez pas de couchettes en dur ? » La guichetière ennuyée par la question de ce touriste effronté, décide soudain de couper court à la conversation, gesticulant sans plus mot dire, faisant comprendre à Mr Routenvrac de passer son chemin. La deuxième guichetière ne semble pas beaucoup plus ouverte à la communication. Persuadés que notre train démarre dans 15 minutes et quelque peu déstabilisés par cet accueil glacial, nous nous empressons d’acquérir nos tickets. Voilà notre premier billet d’1.000.000 de dongs envolé ! Pas même le temps de nous familiariser avec la monnaie vietnamienne… Nous retrouvons alors le couple de jeunes chinois avec lequel nous avons marché depuis la frontière, en pleine conversation avec un officier vietnamien. Le va-et-vient financier entre ce dernier et la guichetière nous rend soupçonneux, et ce, à juste titre. « Il va négocier des billets moins chers pour nous » se justifie notre jeune ami. Forcément, vu sous cet angle… C’est juste à cet instant que nous réalisons que nous avons omis de réajuster nos montres. Il n’est que 18h15. Nous profitons de ce léger saut temporel pour nous offrir un premier repas vietnamien.
Le lendemain, à 4h20, nous arrivons en gare de Hanoï, un croquis en guise de plan nous indiquant le chemin de notre auberge. Une heure trente de vadrouille, de renseignements erronées, de rencontres locales et occidentales plus tard, nous parvenons devant une porte close. Allez, ce n’est pas la première fois que nous tirons un gardien de son lit.
La vieille ville
Notre auberge de jeunesse est particulièrement bien située, au cœur de la vieille ville, un quartier très touristique mais animé. Toutefois, nous nous sentons vite à l’étroit. Occupant tous deux des lits en hauteur dans notre dortoir, nous aurions apprécié disposer d’un espace convivial pour nous installer, effectuer nos recherches, échanger, surfer et bien entendu rencontrer les autres voyageurs. Or, la petite salle à vivre du rez-de-chaussée est habitée par la famille des proprietaires qui ne semble pas dérangée d’occuper canapés, télé et postes d’ordinateur pour elle seule. Après deux nuits passées dans ces conditions, nous replions nos bagages et dénichons, deux rues plus loin, une chambre d’hôtel tout confort pour le même prix.
Marchant dans les rues de la ville, nous prenons le temps d’observer l’architecture vietnamienne. Nous reconnaissons sans difficulté aucune, les maisons coloniales françaises usées, fatiguées, non entretenues mais qui n’ont rien perdu de leur caractère, balcons et jardins ornés de colonnes et de somptueux palmiers. Les bâtiments vietnamiens, en revanche, ni esthétiques, ni pratiques, répondent aux normes financières, le prix des constructions étant fixé en fonction de leur largeur et non de leur superficie. Cette contrainte donne à la ville une impression d’exigüité. Aussi, nombreuses sont les familles qui, à l’entrée de leur maison, installent une pièce à vivre, ouverte sur la rue, leur permettant d’y disposer un petit comptoir et d’y vendre quelques produits courants. C’est ainsi que se confondent cantinières, joueurs de cartes, vendeurs de tableaux ou de porte-manteaux, restaurants, hôtels, bouibouis en tous genres. Pas une porte sans un « hello » pour attirer le touriste et tenter de lui soutirer le sou. Du tuc-tuc « sans souci » au motard, du vendeur de beignets au serveur de restaurant, à Hanoï, pas un vietnamien ne semble se préoccuper d’autre chose que du tourisme.
Si vendre est de toute simplicité, acheter est un véritable défi. Le principe est simple : les prix ne sont pas affichés. Il suffit au vietnamien de demander le prix s’il ne le connaît pas déjà. Quant à l’étranger, il lui faut négocier pour parvenir parfois à un prix encore triple… Le regard amusé, le vendeur hésite parfois avant d’ajouter un chiffre supplémentaire sur sa calculatrice. Ces constats établis, nous acceptons de jouer le jeu et entrons dans une lutte effrénée contre la tyrannie de l’étranger. Avouons-le, c’est épuisant et loin de l’accueil chaleureux que nous espérions.
Adieu petits plats
Fini les petits plats mijotés, les légumes et les champignons. Hanoï nous annonce la couleur. Nos papilles devront s’habituer à la simplicité. Nous sommes pris en otage par cette ville qui a bien du mal à partager ses bols de nouilles et son riz poêlé. On attend du touriste qu’il se laisse attendrir par le barbecue, le kebab ou le restau américain. Accompagnés d’Armelle et Matthieu, deux nouveaux compagnons de route, nous explorons la cuisine hanoïenne, en quête malgré tout de saveurs authentiques.
Au restaurant Koto, nous sommes charmés par l’accueil et le service qui nous est réservé. Ici, le projet est humain et le résultat semble à la hauteur : ramasser des jeunes défavorisés dans les rues, leur consacrer deux ans de formation et leur permettre ainsi, d’intégrer un emploi au sein de la chaîne de restaurants Koto pour enfin leur donner les moyens de se construire socialement. Nous avons eu le sentiment de manger au sein d’un lycée hôtelier où politesse, service, qualité culinaire et amabilité étaient au rendez-vous, pour notre grand bonheur.
A bicyclette…
L’idée nous germe dans la tête depuis un bon moment déjà : une première boutique de vélos à Guilin, en Chine, nous avait laissés songeurs. Pensant que le Vietnam nous en dirait un peu plus, nous avions décidés d’attendre sagement. Et nous voilà à présent dans cette grande ville, autrefois appelée la ville aux 100.000 vélos, qui aujourd’hui ne compte pas plus d’un vélo pour une cinquantaine de scooters…
Alors que, tranquillement installés dans le canapé de l’auberge, nous nous apprêtons à entamer des recherches sur les adresses de distributeurs de vélos hanoïens, un touriste australien nous propose son aide. Il semble connaître parfaitement la ville et nous indique en un clin d’œil « la rue des vélos », information aussitôt confirmée par notre hôtesse qui s’empresse d’entourer d’un coup de crayon, la dite rue sur notre carte. Sans nous méfier un instant, nous partons, tout agaillardis, prêts à dénicher notre bonheur. Nous marchons pendant près d’une heure, atteignons notre destination et poursuivons notre marche durant une heure encore. Le doute nous assaille : des deux côtés de la rue, des dizaines de boutiques de scooters. Nous persévérons tout de même jusqu’au bout de cette interminable rue, dépités d’avoir perdu notre premier après-midi, confus de ne pas avoir pris le temps de vérifier l’information, agacés par ce besoin d’informer sans savoir. De retour à l’auberge, Mlle Cartensac contient une grimace. Elle s’approche de l’hôtesse, et de sa plus douce voix, lui demande : « Tu sais ce que c’est un vélo ? »
Le lendemain, Mr Routenvrac reprend la méthode en main. Nous notons un à un, les noms et adresses des quelques distributeurs de vélos et partons, carte en poche, aux quatre coins de la ville. Nous parvenons avec grand mal à dénicher quelques modèles correspondant à nos critères : pliables, à vitesse, ni trop lourd ni trop léger. En revanche, les prix nous impressionnent. Loin des 80€ observés en Chine, il nous faut compter ici entre 120 et 240€ pour un vélo de qualité. « Ce n’est pas du tout le budget que nous nous sommes fixés… » Le dernier magasin étant situé de l’autre côté de la ville, épuisés, nous jugeons qu’il est temps d’abandonner nos recherches.
Sortie culturelle
Désireux de nous plonger rapidement dans le cœur du pays, nous nous sommes donnés une journée pour découvrir les monuments de Hanoï. Le mausolée Ho Chi Minh, bien gardé par les officiers vietnamiens, ne nous verra que passer. Les heures d’ouverte ne coïncidant pas avec notre passage, nous n’avons pu saluer l’homme qui, bien qu’aujourd’hui « de paille », a tant marqué l’histoire de son pays.
Le temple de la littérature, en revanche, nous a livré tous ses secrets. Erigé en 1070 par l’empereur Lê Thanh Tong, ce temple appelé également temple de Confucius, était un centre culturel et spirituel tout d’abord accessible aux seuls mandarins et membres de la famille impériale. Soucieux d’ouvrir ce havre de paix à un peuple plus large, son accès fut autorisé à quiconque réussirait un examen basé sur les talents, les compétences et l’allégeance à la famille impériale, réputé très difficile. Dans le jardin du temple, nous observons une quarantaine de stèles en forme de tortues, chacune d’elle construite en l’honneur de l’un de ces lauréats. Justement, ce jour-là, toutes habillés de leur habit traditionnel, le Ao Dai, une trentaine de jeunes diplômées pose pour quelques photos de fin d’études. Le jardin est calme et reposant. Assis quelques instants dans la cour du temple, nous observons avec curiosité les nombreux bonzaïs, étriqués dans leurs pots. « Combien d’années peuvent-ils bien avoir ? 50, peut-être 100 pour certains ? » Nous profitons avec un grand plaisir d’une représentation musicale, mettant en avant plusieurs instruments traditionnels que nous entendons pour la première fois.
Des marionnettes subaquatiques
Le théâtre tient une place importante dans la culture vietnamienne, et en particulier les spectacles de marionnettes sur l’eau. La symbolique de l’eau est en effet très importante à Hanoï, son nom même signifiant « la ville au-delà du fleuve », en allusion au fleuve Rouge. Il nous a donc paru intéressant autant que distrayant de nous rendre au « Muppet Show ». Alors que l’orchestre se lance, nous reconnaissons les instruments entendus l’après-midi-même au temple de la littérature. Les marionnettes ne tardent pas à faire leur entrée. Notre première réaction est la surprise.
Puis, nous nous laissons porter par la simplicité de la représentation. Quelques mouvements précipités, des vaches ne sachant pas nager et refusant de mettre le nez hors de l’eau, des barques de pêcheur navigant à toute allure tels des jetskis, nous sommes amusés par l’aspect parfois grotesque de ce spectacle. Toutefois, nous apprécions l’authenticité et parfois même la naïveté des personnages représentés, des gestes et des techniques anciennes et inchangées. Lorsque le poisson se transforme en dragon et s’envole dans les airs, nous applaudissons avec entrain, ravis.
Marché conclu! Non, pédalé conclu !
« N’empêche qu’avec des vélos, on pourrait davantage se perdre dans la campagne et découvrir les paysages vietnamiens. Et puis, ça change un peu de pédaler. Moi, je troquerai bien quelques heures de marche contre quelques coups de pédale… Après tout, 120€ ça reste raisonnable. » S’il n’est pas question de remplacer ni le train ni le bus par un deux roues, nous envisagions sérieusement le vélo comme une option supplémentaire pour voyager sur de courtes distances et nous fondre davantage au cœur de la population, contourner les trajets touristiques,… Après quelques calculs et une longue réflexion, nous prenons notre décision. La veille de notre départ pour Cat Ba, nous retournons dans une petite boutique négocier nos montures. Ils nous attendaient bien sagement, au fond du magasin aujourd’hui en travaux, tout poussiéreux. Le vendeur ne nous a pas oubliés et, calculatrice en main entreprend de nous équiper. 3.000.000 + 3.000.000 de vélos + 400.000 pour les porte-bagages + 100.000 pour une boîte de rustines + 100.000 pour une pompe,… Le vendeur refusant finalement toute négociation, nous annonce avec une fierté commerciale, qu’il nous offre l’anti-vol ! Il est temps de passer aux choses sérieuses : quatre bricoleurs vietnamiens se ruent sur nos vélos, les équipent, gonflent et dégonflent les pneus, vérifient les serrages, les plient et les déplient,… Un vrai travail de professionnel qui nous rend tout de même confiants.
Après quelques remerciements, nous partons sur un faux-départ. La chaîne de Mlle Cartensac n’apprécie guère la mise en route et au bout de 300 mètres, elle ne cesse de faire de drôles de bruit. De retour à notre point de départ, nos bricoleurs reprennent les choses en main. Quelques giclées d’huile règleront le problème. Mlle Cartensac en profite pour réclamer une sonnette pour Mr Routenvrac, l’outil s’avérant indispensable dans cette capitale infernale. Driling ! Driling !!!! Chevauchant nos montures, nous traversons la ville, libres et heureux, sur nos nouveaux destriers, pour une dernière étape : faire confectionner des sacs de rangement lors des voyages en train et en bus. La commande expresse pour le soir-même rebute un peu notre couturière mais son voisin, réactif, accepte de se mettre au travail.
Deux heures plus tard, nous contemplons nos énormes sacs au pied de notre lit, nous projetant déjà dans de nouvelles aventures !
L’album complet c’est ici.