Ce lundi 26 décembre, à 18h30, nous quittons la lumineuse ville de Xi’an en direction d’un tout autre paysage : la Chine rurale, les rizières, les bambous,… Aussi, après un léger stress de Mlle Cartensac dû à un timing un peu serré, embarquons-nous avec un plaisir manifeste dans notre train couchette à destination de Guilin, pour 28 heures de trajet. A l’aube, le soleil nous tire de notre torpeur, nous offrant un premier aperçu de la campagne. Allongés dans nos couchettes, nous prenons le temps d’admirer. Il est 23h30 lorsque nous descendons sur les quais de la gare. Les bus ne circulant plus à cette heure, nous arrêtons un taxi. Le chauffeur met un long moment avant de comprendre notre destination malgré le prospectus que nous lui tendons, plan et adresse de l’auberge à l’appui. Il descend requérir l’aide d’un collègue qui ne semble pas plus avisé, puis décide finalement qu’il « sait ». Nous montons, Mr Routenvrac le plan à la main, afin de s’assurer que nous ne partons pas en sens opposé.
Nous nous présentons à l’accueil de Backstreet Hostel. L’hôtesse est peu aimable. Sans introduction et sans porter le moindre intérêt aux voyageurs que nous sommes, elle nous annonce des prix relativement élevés. Autour de nous, quelques occidentaux, tous absorbés par leurs ordinateurs respectifs. La salle est plutôt bien aménagée mais la convivialité, l’ambiance « rencontres de routards » qui nous est chère manque à cet « hôtel ». Le « bonjour » est furtif, chacun étant déjà bien occupé. Pour clore notre déception, la connexion internet est très mauvaise. Et bien, cela ira pour cette nuit… Le lendemain, nous recevons un mail via couchsurfing. Nous sommes invités à séjourner dans une autre auberge de jeunesse de la ville, gratuitement !
Au frais de la princesse Ivy
Ivy, à la réception, nous accueille avec un grand sourire. Elle nous explique que le gérant de l’auberge est en voyage avec sa femme. Malgré tout, il tient à ce que nous soyons accueillis en tant que couchsurfers. Ivy nous donne des informations sur Guilin et les possibilités d’excursions aux alentours. Elle s’intéresse à notre voyage, nous conseille. Elle semble aussi enchantée que nous de notre rencontre. Nous nous installons dans notre chambre, juste le temps d’admirer la vue sur le lac depuis notre fenêtre, puis partons à la découverte de la ville.
Guilin, la ville aux 7 lacs et 46 péages
Malgré sa situation géographique rurale, Guilin est une ville très touristique. Si de notre côté nous ne sommes pas attirés par les vendeurs de grigris et moins encore par les photographes qui proposent aux passants des séances déguisées, les touristes chinois, en revanche, semblent apprécier. Les nombreux lacs qui entourent le centre ville nous offrent la possibilité de nous extraire du capharnaüm citadin.
Loin des paisibles séances de Taï Chi que nous imaginions, nous découvrons des groupes de danseurs plus excités qu’appliqués, des chanteurs et musiciens, pour la plupart mal accordés tant dans leurs cordes vocales qu’instrumentales, ainsi que des pêcheurs… Sans surprise, partout les gens jouent : aux cartes, au Mah-jong, aux petits chevaux version conquête spatiale, mais aussi à des jeux d’adresse type kermesse. Nous nous questionnons sur la vie de tous ces gens, beaucoup de personnes âgées mais également des jeunes, passant leurs journées dans l’oisiveté. Et qu’en est-il de ces commerçants qui ne semblent pas vendre un article de la journée ? Nous espérons trouver réponse à nos questions avant de quitter la Chine, si réponse il y a.
Guilin est connue pour ses grands parcs, situés aux abords de ses lacs. Nous désenchantons très vite en découvrant à chaque entrée, de grandes grilles. 90Y l’entrée… Il ne manquerait plus que l’on paie ce prix-là, avec tous ces chinois qui passent à l’œil, sans qu’on ne leur demande rien. Toutefois nos visages occidentaux sonnent l’alerte. Nous ne passerons pas. Nous tentons l’intrusion par un petit sentier mais le parc est définitivement bien clôturé. Ne souhaitant pas débourser des dizaines d’euros, nous ne ferons que passer et voler quelques photos.
Nous laissant guider par les locaux, nous pénétrons, au cœur de la ville, dans le marché de Guilin. Les particularités culinaires chinoises ne cessent de nous étonner. Pour la première fois, sur les étals, des tortues encore vivantes et des serpents, prêts à frire dans la pôele,… Sur les conseils d’Ivy, nous nous restaurons dans une cantine locale et goûtons nos premiers plats de nouilles, typiques de la région, pour 7Y à nous deux, soit moins d’1€. Enfin le sentiment de ne pas être de simples touristes mais des clients ordinaires !
Plastique Raft pour Xingping
Ce jeudi 29 décembre, nous abandonnons nos gros sacs à This Old Place et partons en excursion à Xingping et Yangshuo, deux autres villes de la province de Shaanxi. Nous avons opté pour un moyen de transport assez original et semble-t-il particulièrement local : le bambou raft. Lorsque le taxi vient nous chercher, nous sommes quelque peu dépités. Les ponchos devront faire partie du voyage, il pleut… Toutefois très motivés, nous saluons Ivy et nous installons confortablement dans la voiture. Pas si vite les aventuriers ! Au bout de 15 minutes, le chauffeur s’arrête sur une place au cœur du centre ville et nous fait signe de descendre pour monter dans un bus. Quelle surprise ! Des dizaines de touristes occidentaux nous attendent ! Et c’est parti ! Le bus vient à peine de démarrer lorsque le guide prend place et débute un speech de Gentil Organisateur qui va durer près d’une demi-heure. Quelle joie ! Notre bonheur est complet lorsqu’il s’approche de nous pour nous remettre individuellement l’autocollant « Panda » de l’agence. Nous prenons avec beaucoup d’amusement la situation et déclinons très cordialement, malgré son insistance, le tour n°2, proposé pour la deuxième partie de la journée et dont l’attraction principale est « la photo du fond d’écran de Windows 7 ». Mais bien sûr, on était venu pour ça… Nous faisons connaissance avec une famille de réunionnais et discutons une bonne partie du voyage.
Nous arrivons enfin au bord de la rivière Li. Nous enfilons des gilets de sauvetage tout neufs qui semblent avoir été achetés spécialement pour nous. La fréquentation est si touristique que les bambous raft, sont devenus des plastiques raft ! L’aspect pratique et sécuritaire ôte parfois un peu de charme à certaines situations. Peu importe, nous voilà navigant entre les montagnes et les pousses de bambous, sur une eau claire, croisant au hasard un pêcheur aux cormorans. Les paysages sont tout simplement magnifiques même si le mauvais temps nous empêche de profiter pleinement des couleurs verdoyantes.
Un arrêt sur une petite plage, commandité par notre guide, permet à quelques touristes de s’offrir le luxe d’une photographie, en compagnie de deux cormorans, pattes attachées et becs scotchés. Mr Routenvrac préfère quant à lui photographier les photos. La ballade en bambous dure à peine plus d’une heure. Nous finissons les derniers 500 mètresà pied, notre guide prétextant une grève des conducteurs de taxis ; nous supposant une grève de son portefeuille. Accompagnés de deux autres couples de voyageurs, nous jugeons qu’il est temps de le semer. Aussi, profitons-nous d’une séance photo organisée pour lui faire nos adieux.
Vél’orange
Xingping est une petite ville campagnarde qui doit son charme à la nature qui l’entoure. Après en avoir fait le tour à pied, nous décidons de louer des vélos à l’auberge pour explorer les sentiers battus. Nous enfourchons nos superbes montures, négocions une poignée de madeleines au coin de la rue et quittons le village. Sur le chemin, tous les chinois, tout âges confondus, tentent de nous revendre une ballade en bambou en hélant avec frénésie : « bambou ! bambou ! bambou ! ».
Au bout de quelques kilomètres, nous respirons l’air pur, goûtons enfin au plaisir du calme retrouvé. Nous ne tardons pas à traverser des champs d’orangers. Les paysans s’activent. Les gros pamplemousses que Mr Routenvrac dévore depuis notre arrive en Chine viennent tout juste d’être récoltés ici. Les fruits sont stockés dans les maisons, empaquetés et l’on commence à les charger dans les camions. Sur les pas des portes, les affaires vont bon train. Un paysan est justement en train d’éplucher l’un de ses fruits pour en goûter la saveur. Lorsqu’il nous voit passer, il le rompt en deux et en tend la moitié à Mlle Cartensac. Nous nous arrêtons un instant pour apprécier pleinement ce moment de partage.
La route que nous empruntons est tout-terrain, contrairement à nos vélos 1 vitesse qui doivent circuler sur ces routes depuis une bonne dizaine d’années déjà. Nos pneus sont mis à rudes épreuves. Au pied de la montagne, nous stoppons nos vélos. On ne va quand même pas s’imposer ça… Après quelques tours et détours, nous rentrons le long de la rivière, aussi fatigués que ressourcés.
Rencontre avec Eskanouil
L’auberge de Xingping est très agréable, hormis qu’il y fait froid. Davantage coutumier de la chaleur que de la pluie, le site est grand ouvert sur l’extérieur. Seuls des rideaux séparent la pièce principale de la terrasse sur laquelle se trouve d’ailleurs, la salle de bains. Assis dans un canapé, un brasier fumant sous nos pieds, nous sommes concentrés sur nos tâches respectives : Mlle Cartensac rédige tandis que Mr Routenvrac effectue des recherches sur notre prochaine destination. La table voisine, bien que discrète, retient soudain notre attention. Un couple français semble partager un moment que nous connaissons bien : le travail d’équipe de correction avant publication d’un article sur leur site internet. Alors forcément, ça se chamaille gentiment. Nous sommes trop touchés par la situation pour ne pas intervenir : « Alors les français, ce n’est pas facile hein ?! » Sébastien et Marjolène se tournent vers nous, amusés. Nous faisons connaissance avec l’Eskanouil ; un escargot et une grenouille partis à la découverte de l’Asie. Nous nous découvrons de nombreux points communs tant dans notre projet que dans notre organisation, la tenue de notre site mais également celle de notre budget. Ravis de pouvoir échanger nos impressions de voyage, nos idées et nos compétences quant à nos sites internet, de troquer fichiers de voyage contre des films, de discuter « bouffe française », nous en venons à partager nos dîners. Sébastien nous fait même l’honneur d’ouvrir sa bouteille de vin rouge étiquetée de 1994, achetée en Chine quelques jours plus tôt, au goût de sirop de groseille. « J’en ai oublié le goût du vrai vin » s’étonne-t-il.
Guidés par nos estomacs, nous atterrissons dans un petit restaurant de la ville qui, à 21h, s’est déjà éteinte. L’hôte qui se relaxait paisiblement devant la télévision avant notre arrivée, se plie en quatre pour nous recevoir. Comprenant que nous ne parlons pas chinois, il nous fait signe de l’accompagner dans la cuisine pour nous montrer ses ingrédients. « Des nouilles, du poulet émincé, des légumes, une assiette complète et locale pour 5Y, tu es notre homme ! » Tandis qu’il se met aux fourneaux, nous nous remettons à causer autour d’une bière.
Tuc-Tuc à Yangshuo
Nous quittons Xingping le samedi 31 décembre en route pour Yangshuo où nous comptons passer la journée avant de rejoindre Guilin.
Nous faisons un rapide tour de la ville et flânons dans un parc. Nous y retrouvons les incontournables joueurs et quelques danseurs. Nous déjeunons rapidement avec pour idée en tête de nous offrir une après-midi « campagne à deux roues ». Cette fois-ci, nous optons pour le scooter électrique. Mlle Cartensac se hisse derrière Mr Routenvrac, l’appareil photo autour du cou. En route ! Nous nous mêlons à la foule des deux roues, nous faufilons avec prudence mais à la chinoise tout de même, entre voitures et piétons, les cheveux au vent, klaxonnant, hélant à tue-tête « bambou ! bambou ! bambou ! ».
Les scooters étant estimés à 30km d’autonomie, nous nous permettons une petite ballade rurale au travers des champs et des villages. Nous croisons quelques paysans, hommes et femmes, parfois même famille au complet, au travail, bêche à la main, parfois rassemblés, prêts à partager le déjeuner. Au bout d’une quinzaine de kilomètres, nous estimons qu’il est temps de faire demi-tour. Et en effet, il était temps. L’indicateur de batterie, toujours au sommet jusque là, chute de moitié. Le scooter perd de son allure. Il semble ne plus supporter nos deux poids. A l’approche d’une montée, il faiblit davantage encore, jusqu’à s’arrêter complètement. C’est la panne ! Formidable, nous sommes à 12km de la ville ! Et bien, il n’y a plus qu’à pousser.
Nous tirons un peu sur la batterie dans les descentes afin de gagner quelques centaines de mètres et nous nous remettons à marcher dans les faux plats. Au premier village, nous tentons de trouver de l’aide pour recharger la batterie. Entre incompréhensions et manque de moyen, nos premières tentatives ne donnent rien. Un homme enfin, paraît prêt à nous aider. Il soulève notre siège et s’apprête à recharger. La malchance nous poursuit, il manque l’adaptateur pour nous permettre d’effectuer la manœuvre. On aura au moins essayé. Nous reprenons notre route, estimant à deux heures notre rando improvisée. Nous conservons le sourire, Mr Routenvrac poussant avec entrain, Mlle Cartensac dégustant une orange ramassée la veille dans un verger. Nous croisons quelques chinois, amusés par notre situation, certainement fréquente ici. Soudain, un tuc-tuc nous double et s’arrête devant nous : l’homme qui avait tenté de nous venir en aide nous a rejoint, muni d’un câble pour tracter le scooter ! Quelle attention touchante ! Il nous demande de nous installer à l’arrière du tuc-tuc familial, fixe le scooter et demande à son fils de s’y installer.
Enfin à notre aise, nous contemplons le paysage, plus souriants encore qu’à l’aller, trop soulagés par l’issue finale. En arrivant en ville, Mlle Cartensac réalise : « Ca faisait pas mal de route quand même… » – « Ben, on l’aurait bien fait, mais ça aurait pris un peu de temps… » souligne Mr Routenvrac. Nous remercions plus qu’il n’en faut notre sauveur qui finit par nous tendre la main. « 50Y » mime-t-il. Un peu déçus tout de même, nous lui tendons 25Y pour le contenter. Nous devons nous faire une raison, ici tout service se paie. Pas de pitié ces chinois !
Nouvel an pas chinois
De retour de notre excursion, le samedi 31 décembre, la chaleureuse Ivy nous accueille toute excitée : « Avez-vous reçu mon email ? » Elle nous invite à célébrer la nouvelle année avec ses collègues et quelques amis autour d’un hot pot demain soir. Elle attend de nous que nous animions la soirée avec notre outil Cartensac qu’elle meurt d’impatience de découvrir. Et bien entendu, nous sommes ravis et prêts à jouer le jeu !
La soirée s’annonce plaisante. Ivy a tout organisé ; le buffet est prêt à nous recevoir. Nous engageons la discussion avec un malaisien qui nous donne quelques tuyaux sur son pays ainsi qu’un jeune allemand, étudiant à Hong-Kong, en vacances pour quelques jours.
Quelques pincements de baguettes plus tard, les estomacs suffisamment sustentés, tous les convives s’affèrent au rangement. Il n’est pas question que les femmes de service soient seules à travailler aujourd’hui. Ivy s’émoustille, se frotte les mains, nous observe, debout devant ses invités tous attablés. Il est évident que notre tour est arrivé. Nous nous présentons donc sous les traits de notre projet : Mlle Cartensac et Mr Routenvrac, déballons le matériel sur la table et expliquons le principe d’échanges de jeux inscrit dans notre tour du monde. Intrigués, tout le monde ne demande qu’à jouer. Chacun muni de notre étui, nous prenons possession d’une extrémité de la table et lançons avec beaucoup d’enthousiasme les premières parties. L’assemblée est très joueuse, emballée tant par notre projet que par l’ambiance que prend la soirée. Ivy est enchantée et nous comblés.
Nous jouons ainsi pendant plus de trois heures, notre ami malaisien et doyen de la soirée offrant une tournée de boissons pour prolonger les festivités. Nous finissons sur du pitch et du bluff cette parfaite soirée. Il est temps pour nous de ranger l’outil Cartensac, demain nous prenons la route en direction du sud-ouest, dans la province de Yunnan.