Début d’année mal digéré
On appelle ça démarrer l’année en beauté. Le hot pot tant apprécié du premier janvier à l’auberge This Old Place, a joué un mauvais tour à Mlle Cartensac. Torturée toute la nuit, celle-ci commence à redouter les 18 heures de train qui nous séparent de la ville de Kunming. Et pourtant, il va bien falloir s’y coller. Avant de quitter notre chaleureuse hôte, nous offrons à Ivy un jeu de Uno H2O, souvenir de notre soirée ludique en sa compagnie. La gare n’est pas très loin mais nous préférons le taxi pour nous y rendre, évitant ainsi à Mlle Cartensac un supplice supplémentaire. A notre arrivée du train, à 11h du matin, Mr Routenvrac prend les choses en main et les sacs sur le dos tandis que sa partenaire, luttant toujours, le suit tel un zombie. Nous parvenons tant bien que mal à notre auberge de jeunesse.
La chance couchsurfing du début de voyage nous a abandonnés. La Chine ne se montre pas spécialement clémente à héberger le voyageur chez soi. Ne nous laissant pas décourager pour autant, nous poursuivons nos envois de demandes, régulièrement refusées et optons, pour le moment, pour la méthode B, dortoirs en auberges.
Pêche à la Kunming
En Chine depuis plus de 20 jours déjà, nous avons choisi de prolonger notre itinéraire en direction de la province de Yunnan. Kunming n’est pas une ville extraordinaire mais elle permet de rejoindre les villes de Dali et de Lijiang, réputées pour la beauté de leurs paysages hors du commun. Nous avons donc programmé deux jours dans chacune de ces trois villes.
A Kunming, nous restons abasourdis devant une fontaine du centre ville exploitée pour la pêche à la ligne. Des milliers de poissons y grouillent mais pas un pêcheur ne parvient à prendre prise. Pas étonnant avec les nombreux poissons morts, flottant à la surface, ramassés par dizaine par un homme muni d’une épuisette. Toutefois le phénomène ne semble ni surprendre ni inquiéter quiconque. Après tout, pour ceux qui resteraient bredouilles, il y a l’option porte clé vivant (ou pas) : un mini aquarium dans lequel se débattent au choix tortues ou poissons rouges.
Au bord du fleuve, nous rencontrons enfin un pêcheur authentique. Muni d’un gros hameçon au bout de sa ligne, il tente de harponner les carpes qui ne paraissent pas décider à se laisser prendre. « Il s’y prend mal, remarque Mr Routenvrac, je vais lui montrer moi ! » Quelques tentatives plus tard, nous reprenons notre route. « Ce serait quand même plus pratique avec un appât… » Notre ami, calme et souriant, quant à lui, ne semble guère se soucier du résultat de sa pêche.
A quelques pas de notre auberge, nous dînons dans un restaurant très distrayant. Notre jeune cuisinier est déjà tout excité avant même que nous n’ayons passé commande. L’originalité de son restaurant semble l’amuser plus encore que ses clients. Il prépare nos plats sous nos yeux, sur une plaque chauffante intégrée à notre table. Ne cessant de jouer avec ses ustensiles, il tient la pose, prêt à tout instant pour une éventuelle photo. Alors que nous dégustons, lui et ses collègues, toques sur la tête, se livrent à une partie de cache-cache dans le restaurant. La pression au boulot ? Ici, on ne connaît pas.
Sous les projecteurs de Dali
Ce mercredi 4 janvier, nous nous préparons à quitter Kunming pour nous rendre à Dali. Après un aller-retour infructueux à la gare routière de Kunming, nous décidons de prendre un train couchette pour la soirée-même. Gain de temps et d’argent, nous nous sommes, de plus, bien faits à nos confortables et berçantes nuits dans le train. Nous arrivons à 7h à Xiaguan. Euh !… On n’avait pas dit Dali ?… Pas de panique, il y a deux Dali : la nouvelle ville, appelée Xiaguan et l’ancienne. En une heure de bus, nous atteignons donc la ville dont tout le monde parle : Dali, ville citadelle. L’architecture est superbe. Les maisons blanches et grises donnent une impression de neuf et de propreté incroyable et du même fait, dote la ville d’un charme paisible. Nous prenons donc plaisir à longer les murailles et circuler entre les maisons. D’énormes plaques de marbre à l’entrée de quelques bâtiments rappellent la présence de cette pierre dans la région.
Dès que nous approchons du centre ville, la vie touristique reprend le dessus. La rue commerçante, emplie de boutiques à touristes, met toutefois en valeur bijoux et objets de décoration d’ambre, également issue de la province de Yunnan. Il y est difficile de trouver des restaurants locaux. Après un plat occidental Ketchup Mayo décevant, nous reprenons rapidement la voie des nouilles et des dumplings et nous essayons même dans un restaurant végétarien de moines bouddhistes, une petite cantine à volonté pour 5Y.
Nos promenades nocturnes nous offrent une ville illuminée, traversée par de sublimes courts d’eau originaires des montagnes à quelques kilomètres à peine de là et qui se dirigent ensuite vers les champs, pour le bonheur des paysans. La sensation de quiétude ainsi ressentie en journée, est parasitée, le soir venu, par les multiples bars karaokés. Tous accolés les uns aux autres, chacun bénéficie d’un matériel musical qui ferait rêver les chanteurs et musiciens indépendants mais qui livre ici une cacophonie où musique rime avec désastre.
Arpentant les rues, nous sommes attirés par un bruit imposant de télévision émanant d’une porte de la rue principale. Nous sommes ébahis par le spectacle qui se produit devant nous : un cinéma au grand air. Le projectionniste, occupé à rembobiner un film, nous laisse nous approcher au plus près de l’authentique projecteur. Le film, diffusé sur la porte centrale est incroyablement conservé tant dans la qualité de l’image que dans le son. Nous restons un moment à profiter de ce bond en arrière dans l’histoire du cinéma, Mr Routenvrac tentant d’analyser pour comprendre le fonctionnement de l’appareil.
Savez-vous planter les choux ?
Notre séjour à Dali est rythmé par les averses de pluie qui ne nous quittent plus depuis quelques jours. Nous profitons des éclaircis pour aller à la rencontre des paysages agricoles de cette région. Nous marchons sur plusieurs kilomètres entre les champs, depuis lesquels nous pouvons admirer les montagnes, de l’autre côté de la ville. Nous traversons les villages, saluons paysans et écoliers sur notre passage. Enfin arrivés aux abords du lac, au loin, nous voyons arriver un couple de pêcheurs, fiers de nous présenter leur prise de crevettes du jour. Empruntant les chemins battus, nous savourons le plaisir de nous fondre dans la population avant de retrouver dès notre arrivée au port et tel un rendez-vous fixé, la rengaine touristique, interpelés de toutes parts par les chinois souhaitant nous vendre promenades à moto et denrées en tous genres.
Nous parvenons une fois de plus à nous extirper dans un petit restaurant local très sympathique, avant de monter dans un bus pour rejoindre la ville. La pluie ne nous accorde qu’un court répit supplémentaire, nous permettant tout de même d’approcher les trois pagodes, que nous photographions depuis l’entrée… Sans payer le ticket encore une fois exorbitant.
Good Morning Vietnam
Lassés par le mauvais temps et les coins trop touristiques, nous doutons de plus en plus de l’intérêt de nous rendre à Lijiang. De plus, nos visas vietnamiens ayant déjà débuté, nous trépignons d’impatience de prendre la route en direction de ce nouveau pays. Impatients est un faible mot car aussitôt prise la décision de transiter vers le Vietnam, tout s’enchaîne. Nous passons une journée à tout organiser, au calme dans l’auberge de Dali, puis prenons la route. Un premier train couchette nous ramène à Kunming à 5h30 du matin. Une heure et demi d’attente de notre bus de ville nous laisse deviner qu’il ne viendra pas. Nous changeons donc notre itinéraire. Détendus, nous arrivons à 8h30 à la gare routière à l’est de la ville. Tout va bien, le bus que nous visons ne part qu’à 9h40. Tout va bien, c’est vite dit ! Nous n’avons pas suffisamment d’argent pour payer les 290Y que la caissière nous demande… Une fois épuisés les quelques distributeurs situés devant la gare, refusant systématiquement nos cartes européennes, Mlle Cartensac parvient difficilement à garder son sang-froid. Mr Routenvrac propose de miser sur deux terrains à la fois. « Je me donne jusqu’à 9h15 pour tâcher de dénicher un distributeur dans les environs. Pendant ce temps-là, tu essaies de négocier pour payer en dollars ! » Mlle Cartensac, harnachée des deux gros sacs, retourne auprès du guichet tandis que Mr Routenvrac détale dans l’autre direction. La guichetière est compréhensive. Elle aurait été prête à faire un effort, mais 20 dollars, c’est beaucoup trop… Bref, Mlle Cartensac, dépitée, attend impatiemment le retour du guerrier. Nous n’avons pas l’intention de voyager de nuit, les forums de voyageurs faisant échos de nombreux vols au cutter. Si nous ratons ce bus, nous devrons donc attendre demain matin et l’idée ne nous enchante guère. Malgré tout, il va falloir s’y préparer car Mr Routenvrac revient à l’heure fixée, bredouille…, avec toutefois une dernière idée. On va tenter d’échanger 20 dollars contre 100Y auprès d’un voyageur. Nous voilà à l’affut d’un individu prêt à nous rendre ce service, ciblant de préférence le profil homme d’affaires. « S’il vous plaît… C’est urgent ! » Nous finissons par trouver l’individu sensible à notre détresse. Il nous reste 10 minutes pour nous rendre au guichet, acquérir nos deux tickets, dévaler les escaliers, nous frayer un passage en écrasant quelques chinois, passer le portillon et enfin… Hékou ! Notre destination affichée en noir sur blanc à deux pas d’un bus nous offre un grand soulagement. Il est 9h41, le chauffeur nous presse un peu pour charger nos valises. Alors qu’il ronchonne et gesticule nous lui retorquons en bon français : « Ben on va se détendre un peu surtout si tu veux bien… » A bord, assis juste à la première rangée, nous profitons entre deux descentes de pare-soleil d’un spectacle pendant près de 8 heures. Les paysages sont magnifiques.
Ce jour-là nous avons finalement assez de chance, arrivés à Hékou, nous suivons un couple de russes à la descente du bus. Ils passent cette frontière pour la 3ème fois. Nous partageons avec eux le taxi. En quelques minutes seulement, nous voilà marchant sur le pont frontalier entre la Chine et le Vietnam ! Un dernier regard en arrière et nous pénétrons dans notre nouveau pays d’accueil. « J’aime quand tout se déroule selon les plans ! » lâche Mr Routenvrac, excité par cette folle traversée. Nous avons 1h30 pour parcourir, à pied, les 2kms qui nous séparent de la gare de Lao Caï. Accompagnés d’un jeune couple de chinois, nous utilisons l’énergie qu’il nous reste pour la rejoindre ! Si nous y parvenons, nous nous réveillerons demain matin, à Hanoï, la capitale du Vietnam.